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Comprendre un philosophe,
et comprendre un homme

Les mots d'un philosophe, comme les autres mots d'ailleurs, ne peuvent être compris que dans le contexte de la démarche de celui qui parle ou écrit. J'écris ce billet alors que je suis en train de découvrir les travaux de Jean-Luc Marion.

Je vois les textes d'un philosophe, ou sur un philosophe, comme une langue étrangère, que l'on apprend en se plongeant dans le bain, quand on est intéressé, sans comprendre grand chose au début; puis on repère peu à peu des ilots de sens, etc., en parcourant et reparcourant les mêmes textes pour essayer de cerner quelques idées.
Il faut bien-sûr pour cela avoir du temps à y consacrer, ou un contexte, des amis par exemple, qui vous y amène...

Il me semble d'ailleurs que les textes d'un philosophe ne peuvent être bien compris si on a une certaine affinité (sympathie? en tout cas compréhension) avec sa démarche, que l'on a fini par percevoir un peu à force de parcourir des textes de lui ou sur lui.
Il faut peut-être que l'occasion se présente: il peut y avoir des philosophes dont je n'ai qu'une idée très superficielle, ou dont la pensée me paraît étrange, et que je finirais par apprécier: ils éclairent sans doute une façon particulière de voir la réalité et de réfléchir sur elle.
En aimant, c'est à dire déjà en ouvrant son esprit, on devient prêt à comprendre.

 

Et je découvre aussi que c'est vrai pour les hommes et les femmes que je côtoie ou que je rencontre!
S'il y a des attitudes chez les autres qui me gênent ou me déplaisent, que je ne supporte pas, c'est en fait qu'ils me posent un problème interne, provoquent des réactions en moi; alors que si je comprenais mieux l'autre, je deviendrais ... plus philosophe!

Je pense ausi à cette phrase de Frank Herbert, dans le livre "Dosadi":
"A celui qui prétend s'ériger en juge, il convient de poser la question suivante:
"En quoi avez-vous _personnellement_ été offensé?"
Et le juge, à partir de là, devra commencer à poser ses questions aussi bien vers l'intérieur que vers l'extérieur.

Quelques pas
dans la philosophie
de Jean-Luc Marion

Voir le billet de blog Quelques pas dans la philosophie de Jean-Luc Marion, et aussi son annexe technique qui détaille un certain nombre de concepts.

A partir d'une remarque faite
à André Comte Sponville

En février 2007, j'ai envoyé à A. Comte Sponville, dont je suis un grand admirateur (voir par exemple "Le capitalisme est-il moral", un chef d'oeuvre) mon texte "Présentation du christianisme", avec une lettre où j'écrivais en substance ce qui suit:

"J'ai parcouru, plus que lu, vos dernières réflexions et dialogues avec des chrétiens. Mais il me semble que tout cela pêche par une approche que je qualifierai - pardonnez-moi - d'abstraite: par exemple un de vos interlocuteurs (ou vous même?) donne une sorte de "définition" de Dieu! Mais cela n'a aucun sens! Comme vous le verrez dans le texte ci-joint, je me contente, en substance, de me demander s'il est possible que des êtres "supérieurs" (quoi qu'on entende par là) existent, puis de constater qu'un certain nombre de gens affirment avoir été en contact avec de tels êtres. Enfin vous verrez; ma démarche, même si elle est neuve, est me semble-t-il typiquement "scientifique", ce qui correspond à ma formation initiale..."

André Comte Sponville m'a aimablement répondu... en s'excusant de ne pas avoir le temps de lire mon document. Mais du coup il n'a pas réagi non plus à la remarque reproduite ci-dessus, sur laquelle j'ai personnellement continué à réfléchir:
La question que je pose est une question de "fait": un tel fait (êtres supérieurs, contact avec eux) existe-t-il?

Mais du coup je me suis demandé: est-ce que ma question est philosophique... ou scientifique?
Et je suis passé aux deux questions suivantes:

- Pourquoi certaines personnes considèrent-elles certaines choses comme possibles, alors que d'autres les considèrent comme impossibles? (Exemple de "chose": ce que je dis ci-dessus sur les êtres supérieurs);
- Plus largement, la question de l'ouverture d'esprit est-elle une question philosophique??

Et c'est alors que j'ai eu la chance de découvrir, grâce à Paul Foulquié, l'oeuvre de Ferdinand Gonseth, dont je parle dans un billet séparé.
      29.09.08 - Commenter sur le blog

Voir aussi:
  - L'ouverture est-elle un concept philosophique?
  - Comte-Sponville et le Dieu caché

"Déterminisme et libre-arbitre"
Un livre de F.Gonseth et H.-S. Gagnebin

Je viens de terminer le premier livre de F.Gonseth que j'ai pu trouver: c'est le compte-rendu remis en forme d'entretiens tenus sur plusieurs jours vers 1944 entre F.Gonseth et ses élèves. Sous la forme d'un dialogue de type socratique, ce livre aborde un problème redoutable: comment concilier la causalité, qui semble intervenir partout dans notre monde (complétée il est vrai par les probabilités), et la liberté de chaque sujet?
Dans ce livre de lecture agréable, Gonseth ose une synthèse que l'on comprendra mieux en lisant l'ensemble de l'ouvrage (difficile à trouver!): prenant exemple de la difficile conciliation entre les aspects ondulatoire et corpusculaire de la lumière, il affirme simplement qu'il faut tenir les deux bouts: nous sommes dans un univers où le règne du déterminisme ne peut pas être limité a priori; et pourtant nous constatons notre propre liberté. Tenir les deux bouts n'est possible que dans une philosophie ouverte, qui admet les deux, même si elle ne sait pas (encore) comment les concilier.

De mon point de vue, un chef-d'oeuvre.
      13.10.08 - Commenter sur le blog

  Télécharger l'article de 12 pages que j'ai rédigé

Le rire de Clotilde

Mon amie Clotilde est truculente - si on ose employer ce mot pour une femme, et un peu contestataire. Vous allez voir qu'on peut tirer une leçon utile à tous, psychologiquement et spirituellement, de l'histoire qu'elle m'a racontée.

Clotilde a un poste professionnel très important, de directrice technique d'une grande entreprise publique.
Lassée de voir que la direction générale de son entreprise diffusait volontairement des informations fausses concernant les problèmes de déchets et d'environnement, elle s'est décidée un jour à passer à un journaliste un dossier montrant ce qu'il en était en réalité. Mais il ne fallait évidemment pas qu'elle se fasse prendre (attendez un peu, la leçon utile viendra plus loin).
Le matin où le journal sort, elle l'achète avant de se rendre au bureau et voit que les informations qu'elle a transmises figurent en bonne place. Elle se prépare alors psychologiquement.

"Seule dans ma voiture, j'ai commencé à développer en moi un rire énorme: à rire, à crier mon rire de plus en plus fort en le faisant rayonner dans tout mon visage et mon corps. Puis je me suis rendue au bureau du Directeur Général, et suis entrée le journal à la main, complètement hilare, en montrant l'article au directeur, comme pour lui dire: "Vous avez vu!" Un exemplaire du même journal était déjà sur son bureau.
"Désorienté par mon attitude, il m'a demandé:
- "Ce n'est pas vous?"
"J'ai pris l'air surprise, et, encore à la joie que j'avais développée, j'ai répondu simplement:
- "Moi?"
"Le Directeur Général a alors décroché son téléphone et a appelé le Président: "Non, non, ce n'est pas elle!"

Voilà pour ce qui est de l'histoire, authentique. Mais j'en ai tiré une leçon que j'ai assez souvent l'occasion d'appliquer.

Avant de rencontrer quelqu'un face à qui on souhaite être souriant, il est possible de préparer son corps et son visage.
De même qu'on peut "choisir d'aimer", on peut choisir de sourire. Pour qu'il ne s'agisse pas d'un sourire forcé, mais d'un vrai sourire irriguant tout le visage et le corps, il est possible de se préparer. C'est ce que la "méthode de Clotilde" permet.

Elle est utile psychologiquement, car elle nous aide à rayonner un sourire qui facilitera la rencontre. Elle est utile aussi spirituellement pour changer notre coeur, et rejoint la "puissance de la louange".

Cette méthode de "choisir le sourire" s'applique à de nombreux endroits, et par exemple dans la liturgie: ainsi quand on chante un "Alleluia" très joyeux, si on pense à se remplir de sourire, le chant sort beaucoup mieux!
   05 03 11 - Commenter sur le blog

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"L'ouverture" est-elle un concept philosophique? Découverte de F.Gonseth

C'est en recherchant les mots "ouverture" ou "ouvert" dans différents dictionnaires philosophiques que j'ai découvert Ferdinand Gonseth.
La plupart des dictionnaires ignorent ces mots: je serais curieux de savoir ce qu'en pense tel ou tel philosophe auteur de dictionnaire... Le concept n'apparaît que dans un seul des ouvrages dont je dispose: le "dictionnaire de la langue philosophique" de Paul Foulquié (4° édition, PUF 1982).

Le mot "ouvert" y figure avec deux sens:
A - Chez Bergson: opposition, en morale ou en sociologie, du clos et de l'ouvert;
B - Chez F.Gonseth: "Philosophie qui implique le principe d'universelle révisibilité, l'expérience pouvant modifier les thèses tenues pour acquises".

Quelle merveille! Enfin un philosophe qui pose au départ de ses travaux ce qui me paraît une évidence: que nos convictions et nos énoncés sont toujours temporaires, toujours révisables en fonction d'arguments nouveaux, ou de faits nouveaux! L'opposé de cela c'est forcément un système, où l'on prend ses principes comme des points d'appui dont on déduit le reste de notre attitude! Van Vogt m'a depuis longtemps mis en garde contre cela.
Ferdinand Gonseth, il faut le noter, est d'abord un mathématicien, suisse francophone professeur à l'université de Berne et à Zurich dans les années 1930-1950. Il est passé progressivement à la philosophie, et a fondé avec Gaston Bachelard en 1945 la revue "Dialectica", le mot dialectique étant pris dans un sens non systématique, mais au contraire très ... ouvert. Ajoutons enfin - est-ce un détail? - que Ferdinand Gonseth est devenu quasi-aveugle vers l'âge de 12 ans.

Une association et un site web s'efforcent de faire connaître la pensée de Gonseth, ignorée par les encyclopédies philosophiques.

Le dictionnaire de Paul Foulquié, heureuse exception, comporte des citations de Gonseth dans différents articles: "Révisibilité", "Prédicatif", "Dialectique" et "Idonéisme" (nom donné par Gonseth à sa philosophie).
Le "Vocabulaire" de Lalande (PUF 1983) comprend dans son supplément une brève définition de l'idonéisme, rapprochant celui-ci du "commodisme" de Poincaré; ayant brièvement regardé ces deux approches, elles me paraissent assez différentes.

Il faut maintenant approfondir tout cela!

Juin 2014 - Voir mon billet de blog concernant les travaux de Gilles Cohen-Tannoudji sur Gonseth.

Juin 2014 - Voir sur la page "Foi et Culture Scientifique" une présentation de la méthodologie de Gonseth.

      30-09-08 - Commenter sur le blog
  Article sur le livre "Déterminisme et libre arbitre"

"En finir avec la tolérance?"
(Adrien Candiard)

Dans ce livre sorti en janvier 2014 aux PUF, Adrien Candiard (*) regrette la disparition de la "dispute intellectuelle" entre religions telle qu'on la pratiquait notamment dans la période "Andalouse" du Moyen-Age. Il considère que nous sommes dans une période de "sommeil de la raison", aux conséquences regrettables.

Le fait qu'il n'y ait plus de débats publics sur la religion est, d'après Candiard, une conséquence des guerres de religion. Deux philosophes, Locke et Kant, y ont notamment contribué.
Comme remède aux guerres de religion, Locke a proposé la tolérance de l'Etat. Mais, dit Locke, ce qui doit être activement combattu, c'est la prétention de détenir la vérité. On peut croire, mais à condition de ne pas affirmer que ce qui est vrai pour moi est vrai en soi.
Kant poursuivra dans cette voie, en disant que les affirmations théologiques ne relèvent pas du domaine de la connaissance: il s'agit alors de croire, et non pas de connaître. La foi et la raison sont deux domaines différents.
Le potentiel de violence des affirmations religieuses est ainsi apparemment neutralisé, car elles ne sont plus considérées comme des vérités objectives, mais comme des croyances différentes. La discussion en devient même inutile.

Cet équilibre que l'Occident a cru trouver, correspond pour Candiard à un sommeil de la raison. De trois façons:
- Quand la foi ne peut plus se dire que par un témoignage subjectif, elle risque de perdre le garde-fou que constitue la raison. Cela conduit au succès, tant dans le christianisme que dans l'Islam, de mouvements "dont les liens avec la rationalité sont ténus", ou qui sont violents.
– La foi tend alors à devenir un simple élément de l'identité, non discutable: quand l'autre exige quelque chose au nom de sa religion, on ne peut plus en débattre, car ce serait mettre en cause non pas ce qu'il pense, mais ce qu'il est. Il y a là un piège identitaire dangereux.
- Enfin le respect auquel chacun a droit en théorie risque de ne devenir même pas une indifférence polie, en face de ce qui apparaît comme absurde: on quitte alors facilement la tolérance pour passer au mépris et au rejet.

Face à cette situation, Candiard plaide pour une réhabilitation de la dispute philosophique ou théologique.
Ce qui rend difficile la remise en pratique de tels débats est que, alors qu'au Moyen Age les philosophes - et les théologiens – partageaient une même définition de la vérité, à savoir "la correspondance entre le réel et la pensée" (adequatio rei et intellectus), ce n'est plus le cas aujourd'hui, même entre les philosophes d'Occident.
Et de toute façon l'Islam, dans sa majorité, n'accepte pas notre rêve d'une civilisation universelle, et s'ancre dans ses valeurs propres.

Cela dit, la possibilité pour tous, croyants ou non, d'affirmer dans l'espace public des convictions fortes, fondées en raison, permettrait de ne pas se résoudre à voir coexister dans nos sociétés des ensembles humains incapables de communiquer sur l'essentiel.

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(*) Dominicain au couvent du Caire, il est aussi l'auteur de la pièce de théâtre "Pierre et Mohamed" sur Mgr Claverie et son chauffeur, assassinés en Algérie.

Watzlawick et l'école de Palo Alto

Il existe des livres assez nombreux qui exposent les méthodes paradoxales de cette école psychologique. Un bon aperçu est donné (en anglais) par les pages que l'on peut lire du livre de Nardone sur Google books.

A propos de la "sémantique générale", et en lien avec Gonseth...

Je reparcours ce matin quelques sites sur la "sémantique générale", en lien avec mes réflexions sur Van Vogt et Gonseth. Je découvre que Bachelard s'y est intéressé (le monde est petit!).
Comme je l'écrivais il y a quelques années à un ami, j'ai l'impression que les gens qui font de la sémantique générale actuellement font une erreur que Van Vogt, en tout cas, dénonçait: ils prennent la partie qu'ils connaissent (la sémantique générale) pour le tout... Voilà une erreur que Gonseth nous invite à ne jamais faire...
   30.09.08 - Commenter sur le blog

Le mot "dialectique"
chez Gonseth

Comme l'indique le Dictionnaire de la langue philosophique de Paul Foulquié, le mot dialectique a de très nombreux sens.
En ce qui concerne Gonseth, P. Foulquié donne plusieurs citations, dont la suivante:

"Le jeu dialectique n'est pas d'avance saturé: il est au contraire ouvert, en devenir. Il s'accompagne d'une constante création d'objets mentaux, nouveaux et imprévus, qu'il entraîne immédiatement dans son rythme. L'exercice dialectique est donc expérience interne, avec toutes les surprises, tous les aléas de la création-découverte". (Philosophie Mathématique, 25)
   Oct 08 - Commenter sur le blog

Petites notes

- Dire ou penser quelque chose, c'est un peu en même temps évoquer son contraire.

a

Epicure
(Brève note de lecture)

Epicure vit 40 ans après Platon. En Grèce, la situation a complètement changé.
Entre Platon et Epicure, il y a à la fois: a. Un changement dans les questions qui se posent à l'époque; et b. Une opinion différente sur un sujet philosophique important.

a: A l'époque de Platon, la situation est stable en Grèce, la cité est le centre: Platon réfléchit notamment sur l'harmonie au sein de la cité. Au contraire à l'époque d'Epicure, la Grèce est dans une sorte de décadence. Ce qui semble important à Epicure c'est comment vivre heureux, avec un petit groupe d'amis.

b: Epicure donne beaucoup d'importance à ce que l'on ressent: à nos sensations, nos pensées; alors que Platon estimait qu'il faut se détacher de nos sensations, pour atteindre le monde réel (extérieur..).
C'est là une question philosophique intéressante.

Epicure n'était pas "épicurien": il prêche l'usage modéré des plaisirs, dans un équilibre intelligent.

Source: "Focus sur Epicure- Lettre à Ménécée" Olivier Dhilly (Ellipses)

 

Image de nuages extraite d'une photo de Roland Trenzel