La triste « affaire Marthe Robin » (« Tout était faux ») ne fait que débuter ces jours-ci, et montre diverses réactions, trop prévisibles, de personnes qui ne peuvent admettre les résultats de l’enquête du Père Conrad de Meester, ou qui cherchent comment naviguer dans ce nouveau contexte – je pense ici à un évêque.
Il est facile de se procurer le livre – 14 euros en format Kindle permettant les recherches; l’extrait gratuit est déjà intéressant. Et il faut lire le livre avant de se prononcer.
Dire que l’éditeur cherche à faire de l’argent, c’est déjà une façon de se refuser à faire face aux arguments de l’auteur.
Dire que ce qui est dans le livre était déjà dans le rapport transmis en son temps à la commission vaticane, et que « cela a été pris en considération » n’est pas vrai : Conrad de Meester a travaillé toutes ses dernières années à affiner ses recherches. Il voulait publier, mais est mort avant.
Un évêque répond, d’une façon que je trouve méprisante: « Ses collègues (de la commission) sont/étaient aussi compétents que lui. C’est une façon de botter en touche.
D’autres disent « Je dois tout à Marthe Robin »… et c’est là qu’on entre dans le mystère. Comment quelqu’un dont toute la vie était « fabriquée », « fausse », a-t-elle pu avoir un tel rayonnement? Tant mieux au fond !
Par contre si un miracle était reconnu par Rome, et que l’on décide que Marthe peut donc devenir « bienheureuse », on entrerait vraiment dans un niveau plus élevé de scandale.
Pour ne pas désespérer les fidèles?
Cliquer en haut du texte pour voir les « réponses »
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(*) D’après – pour ceux qui ne le sauraient pas – l’expression « mentir pour ne pas désespérer Billancourt », prêtée à Sartre.
« La Croix » a publié à ce sujet le 2 octobre un dossier – réservé aux abonnés. %ais les commentaires, eux, sont publics (https://www.la-croix.com/Debats/Marthe-Robin-livre-posthume-Conrad-Meester-2020-10-13-1201119178). J’en retiens le seul qui soit, en quelque sorte, favorable à Conrad de Meester; je le reproduis ci-dessous. La comparaison avec Medjugorje est intéressante.
J’ai lu attentivement votre dossier du 2 octobre sur Marthe Robin accusée de « fraude mystique » et j’ai été sidéré par l’attitude de la postulatrice qui, ne pouvant nier l’évidence du plagiat, s’ingénue à le justifier. Elle me fait penser à ce jeune séminariste africain pris en flagrant délit avec une papaye en main au pied de l’arbre, qui soutenait l’avoir trouvée par terre et vouloir la raccrocher aux branches…
À suivre la postulatrice, aurait-il été normal que Bernadette de Lourdes, qui elle non plus n’avait guère fait d’études, attribue à la Dame des propos trouvés dans un livre ou que L’Histoire d’une âme de sainte Thérèse soit une compilation de textes d’autres carmélites ?
Il semble bien qu’il ne faille pas seulement sauver à tout prix la cause d’une femme à qui, si je vous ai bien lu, le père De Meester reconnaît bien des qualités, mais celle de toutes les structures et toutes les personnes qui se sont réclamées d’elles. Une fois qu’elles avaient affirmé « Marthe m’a dit que… » – je parle d’expérience – il n’était plus possible d’envisager avec elles le moindre discernement.
Les tentatives de minimisation d’une « fraude mystique » avérée sont vaines. Depuis une récente décision du pape François concernant Medjugorje, nous savons qu’il faut soigneusement distinguer entre la réalité d’un phénomène mystique et le progrès spirituel des personnes qui, de bonne foi, y adhèrent. Il semble bien que le proverbe cité par Jésus connaisse des exceptions, en ce sens que bien des arbres plus ou moins mauvais donnent d’excellents fruits.
P. Bernard Xibaut
Voir aussi les divers commentaires sur le site d’Amazon, et notamment celui qui attire l’attention sur le verrou, bas placé, que Conrad de Meester mentionne dans le chapitre « La forme et les chaussons »; verrou placé à hauteur pour une handicapée qui se déplace presque au ras du sol…
Egalement, le 14 octobre, sur le site de La Croix, un texte de Frédéric Boyer: « Impressionnante enquête sur la fabrication d’une imposture et d’un plagiat », avec comme sous-titre: Détresse de Marthe Robin –
« Je crois qu’elle vivait une détresse physique et probablement spirituelle. Jean Guitton dans son Portrait de Marthe Robin avait peut-être déjà, et malgré lui en quelque sorte, vendu la mèche. Marthe Robin, écrivait-il, « se tenait aux portes de l’Enfer pour que l’Enfer soit vide. Elle imaginait que c’était là son office principal, sa tâche, son métier. (…) Elle avait l’impression d’être réprouvée. Elle était désolée, au sens le plus fort de ce mot. Elle participait à la grande ténèbre. Elle se croyait rejetée.»
L’actuelle « postulatrice de la cause », nommée en 2018, a publié fin septembre un texte où elle répond à ceux des points soulevés par le Père de Meester qui figuraient dans son rapport comme expert. Voir https://www.lesfoyersdecharite.com/custom/uploads/2020/10/Marthe-Robin-01-10-2020.pdf. Mais elle ne répond que très partiellement, et n’évoque par exemple, pour ce qui est des diverses formes d’écriture, que des « cahiers » alors qu’il s’agit de très nombreuses lettres, que Marthe disait être dictées à des secrétaires – inexistantes: mensonge.
Voir également l’enquête détaillée, en 5 parties, publiée par le site cath.ch.
Marthe Robin a été déclarée « vénérable » le 7 novembre 2014. Le postulateur était alors le père Bernard Peyrous qui par la suite, en 2017, a été démis de toutes ses fonctions «à la suite de gestes gravement inappropriés» sur une femme.
Le Père de Meester est mort en novembre 2019.