(Ce billet ouvre ce qui sera peut-être une nouvelle série: « réflexions »).
Dans un récent billet (en), John Allen évoque des tensions au sein de l’université catholique de Dallas entre des catholiques « identitaires » et d’autres que l’on pourrait décrire comme plus libéraux.
Une représentante de la première tendance s’exprime ainsi: « Nous voulons dire les choses avec clarté et fidélité ».
Je laisse ici de côté la question de la fidélité (i.e. aux enseignements pontificaux). En ce qui concerne la clarté, je n’ai bien entendu rien contre elle.
Mais la question est de savoir: si le christianisme consiste d’abord à « dire » des choses, ou bien à vivre en relation avec Dieu et à aimer; et si les concepts et mots du christianisme peuvent être considérés comme clairs, et simples.
Des chrétiens que je connais, et que je classerais volontiers comme « identitaires », pensent qu’ils sont ouverts au dialogue. Mais il ne faudrait pas que le dialogue consiste seulement à essayer d’expliquer à l’autre que l’on a raison.
Brian McLaren, dont j’ai parlé à plusieurs reprises sur mon ancien blog, posait ces jours-ci la question suivante (en):
« Est-ce que, lorsqu’on vous présente une nouvelle idée ou proposition, votre réaction est plutôt :
– de vous demander si c’est acceptable par rapport à votre foi ou celle de votre communauté ,
– ou bien de vous demander s’il y a peut-être du vrai dedans, quelque chose qui mérite d’être approfondi? »
Il ne s’agit pas de classer les chrétiens en deux catégories: chacun de nous a, plus ou moins développés, à la fois l’attitude identitaire et l’attitude ouverte: des refus instinctifs et des domaines de recherche; des sujets sur lesquels on pense que l’on « sait », et d’autres où l’on écoute et cherche à comprendre; des personnes ou attitudes qui vous plaisent, et d’autres face auxquelles vous avez plutôt un réflexe de rejet.
Par rapport à ceux qui pensent « dire les choses avec clarté », mon hésitation vient à la fois de la multiplicité du sens des mots et de la fragilité de l’amour.
Derrière les mots, chacun met des choses différentes, voire contradictoires; il s’agit de parler pour être compris, et pour cela de bien comprendre comment raisonne celui à qui l’on parle. Bruna Martinuzzi (en) donne cinq règles pour pratiquer l’empathie, et cite Henry Ford: « S’il y a un secret du succès, il consiste à être capable de comprendre le point de vue de l’autre, et de voir les choses sous son angle aussi bien que sous le vôtre ».
La fragilité de l’amour: Ce n’est pas de vérités abstraites dont il s’agit de parler, comme si on récitait un catéchisme, mais de l’amour qui nous relie à Dieu. Parlons-nous volontiers de notre amour pour notre conjoint? Et comment en parlons-nous? Il y a une fragilité, une sensibilité, dans notre témoignage, et je ne la retrouve pas toujours chez ceux qui semblent asséner des vérités.
Il s’agit aussi de chercher. Tout n’est pas donné par la Bible et par l’enseignement de l’Eglise, qui de plus est souvent imparfait. La recherche est une des des dimensions d’une réflexion spirituelle et intellectuelle équilibrée.
Comprendre et approfondir pourquoi l’autre – et en particulier le non chrétien – pense différemment de vous fait partie d’une bonne réflexion sur la foi.
Et pour comprendre, il faut écouter, et lire. Ecouter et lire donc, non seulement ceux qui partagent votre avis, mais aussi ceux qui ne le partagent pas, et qui ont souvent quelque chose à nous apprendre.
P.S. A propos de la notion de « certitude », voir « Convictions, certitude » , et ensuite « Vérité révélée, vérité évaluée ».